Quand on parcourt souvent les ventes aux enchères d’art, on voit régulièrement le nom d'Eugène Blot apparaître. Son nom figure en tant que fondeur sur différentes sculptures d'Emmanuel Villanis ainsi que sur celles de Camille Claudel. Qui était cet homme ?
Sur Wikipédia, il y a deux pages portant son nom, mais ni l’une, avec le titre Eugène Blot (un peintre), ni la seconde, avec le titre Eugène Blot (sculpteur), est le Eugène Blot « fondeur de bronze », que nous cherchons.
Quand si peu est connu, cela suscite tout de même la curiosité, non ? En tout cas pour moi…
Recherche
Quand il n’y a pas d’information sur Wikipédia, et donc pas de sources fiables disponibles, la recherche devient soudainement beaucoup plus difficile. Ajoutez à cela que le nom d'Eugène Blot n’est pas vraiment unique en France, et une telle enquête vous emmène partout sauf à la bonne adresse...
Les moteurs de recherche fournissent des résultats, mais sans indication de fiabilité. Beaucoup d’antiquaires répètent les mêmes récits avec des formulations légèrement différentes. Il semble que ce soit recopié les uns des autres, et en grande partie tiré de la « Bible du bronze » de Pierre Kjellberg. Le récit est à peu près le suivant :
Une fabrique de « zinc d’art » est mentionnée en 1874 sous la raison sociale Blot et Drouard. Elle expose en 1878 plusieurs de ses bronzes‑imitations, certains de Guillemin et de Dumaige.
À la fin du XIXᵉ siècle, Eugène Blot, sans doute fils du précédent, est éditeur de bronzes et possède une galerie d’exposition 5, boulevard de la Madeleine où l’on trouve des tableaux des grands peintres impressionnistes, des lampes, des bibelots et des bronzes de Constantin Meunier, Hötger, Jouant, Van der Straeten, Roger‑Bloch, Camille Claudel. Tous ces bronzes sont édités par Eugène Blot. Il admire particulièrement Camille Claudel dont il édite les œuvres en tirages limités et numérotés. Reprenant une phrase de Mirbeau, il écrira plus tard qu’elle « est à Rodin ce que Berthe Morizot est à Manet ».
Après s’être retiré des affaires, Eugène Blot cédera à Leblanc‑Barbedienne, en 1937‑1938, « ces droits de fabrication et d’édition sur plusieurs modèles des statuaires » dont il a été question plus haut. Il indique à cette époque qu’il était autrefois éditeur d’art 11, rue Richepanse et que sa fabrique se trouvait 84, rue des Archives.
Le texte est intéressant, mais contient peu de données concrètes et factuelles sur Eugène Blot, telles que prénoms complets, dates de naissance et de décès, et aucune référence de source, seulement quelques adresses…
Finalement, son insigne de chevalier de la Légion d’honneur mène à un extrait de son acte de naissance – site Leonore et je trouve ensuite davantage de données sur Geneanet :
Nous savons désormais avec certitude que ses prénoms complets sont Louis Eugène et qu’il est fils et successeur de son père François Louis Blot, fondateur et copropriétaire de « BLOT & DROUARD ».
Ces sources contiennent suffisamment d’éléments pour esquisser une (petite) histoire familiale et son arbre généalogique.
Arbre généalogique
(Louis) Eugène Blot
- Né le 22 avril 1857, Paris
- Décédé le 6 septembre 1938 – Paris, âge au décès : 81 ans
- Profession : fabricant de bronzes, collectionneur et marchand de tableaux et éditeur d’art
Parents
- François Louis Blot 1828*, 1885†
- Claire Leport 1879†
Relations et enfants
Marié le 22 avril 1882 à Paris avec Alice Labouriau (1861‑1932) et leurs enfants :
- Claire Blot, 1883‑1966
- Jacques‑Émile Blot, 1885‑1960
- Denise Blot, 1886‑1962
Événements
- Exposition : Eugène Blot, 28 rue des Archives, au Salon de 1889.
- Médaille : Chevalier de la Légion d’honneur, 2 avril 1894
- Publication : Histoire d’une collection de tableaux modernes, Cinquante ans de peinture (de 1882 à 1932), Éditions d’Art, Paris, 1934. Disponible en ligne sur Gallica (si vous lisez le français…).
Sources Le père d’Eugène, François Louis Blot, fonde en 1854/55 sous le nom Blot & Cie. une fabrique de zinc d’art. Auparavant, il était employé chez divers fondeurs de bronze. En 1862, il participe à l’Exposition universelle de Londres, où il est récompensé par des médailles (source). Un an plus tard, en 1863, son beau‑frère Drouard rejoint l’entreprise et ils continuent ensemble sous le nom Blot et Drouard. En (notamment) 1867, l'entreprise Blot et Drouard est de nouveau présente à une Exposition universelle (Paris), où elle reçoit – une fois de plus – des critiques élogieuses. L’entreprise se spécialise dans des objets d’art raffinés, réalisés en haute qualité. Par l’utilisation du zinc – moins coûteux que le bronze – les produits deviennent accessibles pour les personnes à budget plus modeste. Cette idée, qui est caractéristique de l’Art Nouveau, est donc présente tôt dans la pensée de Blot ! L’entreprise ne se limite pas au zinc d’art, elle produit aussi des sculptures en bronze. Ainsi, lors du Salon de 1876, elle expose “Bianca”, une sculpture en bronze (source). L’entreprise connaît un tel succès que Blot père est en 1881 récompensé par la nomination au grade de Chevalier de la Légion d’honneur. (Chevalier de la Légion d’Honneur) Quelques produits de Blot & Drouard : Après le décès de son père en 1885, Eugène reprend l'entreprise, d'abord en collaboration avec Drouard, puis à partir de 1894 de manière totalement indépendante et sous son propre nom : « Eug. Blot Fils ». Il conserve toutefois la mention « successeur de Blot & Drouard » (voir ci-dessous), car un nom fiable et réputé vaut son pesant d'or ! En 1894, l'entreprise emploie 40 ouvriers à l'intérieur et autant au dehors. Le site web du Musée d'Orsay mentionne les établissements des 'ateliers' et montre également qu'Eugène a ouvert ses propres 'magasins' - magasins ou galeries - à partir de 1899. Il n'y a que peu ou pas d'informations sur l'état des affaires au XXe siècle. L'atelier de fonderie a cessé ses activités en 1912, après quoi Eugène Blot semble avoir continué jusqu'en 1936 en tant qu'éditeur de sculptures et propriétaire de galerie. Il se concentre donc sur la signature des contrats avec les artistes, le financement, les droits d'auteur et le commerce de l'art. Il confie la réalisation des moulages en bronze à d'autres. Son fils Jacques-Émile a été actif pendant un certain temps dans l'entreprise en tant que marchand d'art. Il a ensuite décidé de se consacrer entièrement à la peinture, dans laquelle il a également connu le succès. La Première Guerre mondiale (1914-1918) a probablement ralenti les affaires, après quoi Eugène Blot semble avoir continué ses galeries d'art et son travail d'éditeur. Les années de crise - auxquelles s'ajoutent probablement son avancée en âge et l'absence de successeur - ont conduit à la fin de l'entreprise en 1936. Après la fermeture, il cède en 1937-1938 les droits de diffusion des œuvres populaires à la célèbre fonderie de bronze Leblanc-Barbedienne. L'offre des produits change après qu'Eugène a repris le contrôle de l'entreprise Blot & Drouard. Il commence à fondre et à éditer des œuvres d'art plus exclusives et, comme mentionné, ouvre un espace d'exposition au 5, boulevard de la Madeleine, où, en plus des sculptures en bronze, des peintures de grands artistes impressionnistes sont également exposées. Eugène Blot a coulé et édité des sculptures de nombreux artistes, dont beaucoup sont devenus des noms célèbres. Il avait manifestement un bon instinct pour cela : Pour donner encore plus de cachet à l'œuvre d'art, le fondeur - eh oui ! - appose un cachet ou une signature. Ce cachet sert de label de qualité, de preuve d'authenticité et bien sûr de publicité pour le fondeur/éditeur lui-même. Eugène Blot utilise différentes manières de marquer les sculptures qu'il édite et/ou a fondues dans son propre atelier. L'ajout de "FT" est une abréviation du latin "FECIT", équivalent moderne de "made by". Outre son rôle industriel et son amour pour la sculpture, Eugène Blot était également un amateur, collectionneur et commerçant d'art. À la fin de sa vie, la célèbre maison de vente aux enchères L'Hôtel Drouot a organisé deux ventes publiques de sa collection. Les catalogues sont disponibles en ligne et offrent un bel aperçu de ses préférences personnelles : Van Gogh, Van Dongen, Cézanne, Lautrec, Manet, Matisse, Renoir, Camille Claudel, Rodin... pour n'en citer que quelques-uns. Il ne fait aucun doute qu'Eugène avait un bon instinct pour l'art et la qualité ! Remerciement à Régis Thivet pour la relecture.
Entreprises
-- Atelier : 84, rue des Archives, Paris 3e arrondissement (1891-1912).
-- Magasin : 5, boulevard de la Madeleine, Paris 1er (1899-1912) ;
-- Magasin : 11, rue Richepance, Paris 8e (1906-1936)
-- Magasin : 45, rue de Penthièvre, Paris 8e (1936).Produits
Artistes
Cachet & signature
Cachet ou signature Texte Description "BLOT . FT" Nom manuscrit en lettres capitales, avec l'ajout de 'FT' en lettres plus petites "E. BLOT . FT" Nom en lettres capitales et manuscrit avec l'initiale et l'ajout de 'FT' en lettres plus petites
PARISMarque poinçon ovale, lorsque l'œuvre est numérotée, accompagnée du numéro, dans ce cas : '1'.
5
BD DE LA MADELEINEMarque poinçon ovale avec le numéro 5 au centre, ce qui dans ce cas indique l'adresse de sa galerie plutôt qu'un numéro de série.
BLOT
ParisCachet triangulaire avec le texte « E.BLOT Paris » à l'intérieur du triangle. Eugène Blot Signature sur papier. Trivia
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