[FR] Européennes 2019 : pourquoi autant de listes en France ?

in #europe5 years ago (edited)

Le 26 mai prochains auront lieu les élections européennes en France. Cette année, 34 listes sont candidates, ce qui est beaucoup. Face à tant de listes, les électeurs peuvent être un peu désorientés et avoir du mal à faire leur choix concernant les candidats qu'ils veulent envoyer à Strasbourg et Bruxelles.


Image : Pixabay.

Les raisons qui font qu'il y a autant de candidatures sont diverses : mode de scrutin, opposition à la politique d'Emmanuel Macron, volonté fédéraliste pour certains, opposition à la politique de Bruxelles pour d'autres.

Dans cet article, je vais vous expliquer pourquoi il y autant de listes candidates pour cette édition 2019.


Un scrutin à la proportionnelle

Pour expliquer pourquoi il y a tant de listes candidates aux européennes, il est très important de prendre en compte le mode de scrutin. En France, les élections se font pour la plupart sur deux tours. C'est le cas pour les municipales, les départementales, les régionales, les législatives et la présidentielle. Les sénatoriales se font à un seul tour, mais les électeurs ordinaires ne votent pas : ce sont de "grands électeurs" (élus locaux ou parlementaires) qui élisent les sénateurs. Les européennes sont donc les seules élections à un seul tour lors desquelles les électeurs "normaux" peuvent voter.

De plus, le scrutin se fait à la proportionnelle. Les petits partis ont donc beaucoup plus de chances d'obtenir des élus qu'aux autres élections. Aux législatives par exemple, pour se qualifier au second tour, il faut arriver en 1ère ou 2ème position, ou alors obtenir un score égal à 12,5 % des électeurs inscrits, ce qui devient plus difficile quand l'abstention augmente. Au second tour, il y a un phénomène de report des voix, et c'est le candidat arrivé en tête dans sa circonscription qui est élu député. Avec ce mode de scrutin à deux tours, un parti qui fait 5 à 10 % des voix dans l'ensemble des circonscriptions législatives peut très bien se retrouver sans aucun député s'il n'arrive pas à qualifier des candidats pour le second tour et à en faire arriver certains en première position.

Le scrutin non proportionnel à deux tours à tendance à avantager les plus gros partis, ceux qu'on qualifie de "partis de gouvernement", et ce au détriment des petits partis. Les gros partis sont souvent surreprésentés, tandis que les petits sont sous-représentés. Dans beaucoup d'autres pays européens, les élections législatives et régionales se font à la proportionnelle et à un seul tour, ce qui permet à des partis moins importants d'avoir davantage d'élus que leurs homologues français.


Des listes nationales

En 2004, 2009 et 2014, les élections européennes se déroulaient avec 8 circonscriptions électorales, regroupant chacune plusieurs régions. Pour celles de 2019, il a été décidé de revenir à un scrutin avec des listes nationales, notamment pour leur donner plus de visibilité et tenter d'intéresser un peu plus l'électorat, car l'abstention aux européennes est généralement forte. À vrai dire, elle est en hausse quasi-continue depuis 1979. L'abstention est passée de 39,3 % cette année-là à 59,4 % en 2009. Il n'y qu'en 1994 et en 2014 qu'elle a légèrement baissé par rapport à l'édition précédente.

À chaque élection en France, on entend dire qu'il faut lutter contre l'abstention, car l'abstention "favorise les extrêmes" et "profite au FN". En 2014, le Front national est arrivé en tête dans les 8 circonscriptions, avec des scores compris entre 10,25 et 33,62 % (24,86 % au niveau national), faisant de lui le premier parti de ces élections, et lui permettant d'obtenir 24 sièges sur 74. L'UMP, elle, terminait deuxième avec un score moyen de 20,81 % et 20 sièges. Le parti au pouvoir, le PS, subissait un véritable revers électoral en finissant 3ème avec 13,98 % seulement.

Lorsqu'il y avait encore 8 circonscriptions, les gros partis présentaient des candidats dans chacune d'entre elles. Beaucoup de petits partis, eux, n'étaient présents que dans quelques circonscriptions, voire une seule seulement, ce qui leur donnait peu de visibilité. En 2019, on retrouve de nouveaux des listes nationales, ce qui permet de mettre mieux en avant les têtes de listes. Cependant, au vu des sondages, il n'est pas certain que cela fasse baisser fortement l'abstention. Si l'abstention est forte le 26 mai prochain et si le RN termine en tête ou même deuxième, on entendra encore dire que l'abstention a profité à ce parti. Ce qu'on peut en déduire, c'est que le RN fasse un gros score dans 8 circonscriptions régionales ou sur une circonscription nationale, ça ne change rien pour les électeurs. S'ils ne sont pas intéressés par les européennes, ils n'iront pas voter.

Par contre, pour les petits partis, le fait d'avoir des listes nationales peut être une aubaine. Cela leur permet d'avoir une tête de liste mise en avant plutôt que de devoir présenter 8 têtes de listes. Cela leur permet aussi d'être candidates dans tout le pays, ce qui était un peu plus difficile avec le système de circonscriptions.


Les européennes, premier scrutin depuis les législatives de 2017

En France, plusieurs élections très importantes ont eu lieu en 2017 : l'élection présidentielle (en avril et mai) et les législatives en juin. Ces élections ont vu la victoire d'Emmanuel Macron et de son parti La République en marche (LREM). Depuis, il n'y a eu aucune élection au niveau national, juste des élections sénatoriales dans certains départements et quelques législatives partielles.

Les européennes 2019 sont donc le premier scrutin d'ampleur "nationale" en France depuis 2017. Le président Macron était très impopulaire, c'est la première occasion pour l'opposition de se faire entendre par les urnes. Parmi les 34 listes candidates, beaucoup font d'ailleurs campagne sur l'opposition à Macron, parfois plus que sur l'opposition à la politique de la Commission européenne de Jean-Claude Juncker.


Photo : agence AP.


Les européennes : des élections accessibles

Faire campagne pour une élection, ça coûte beaucoup d'argent. Les européennes ne font pas exception à la règle. Cependant, elles sont moins coûteuses que d'autres élections. En France, c'est pour l'élection présidentielle que les budgets de campagne sont les plus importants. Les législatives sont moins coûteuses mais engendrent elles aussi des frais de campagne très importants. Pour les élections régionales, il faut aussi être en mesure d'avoir beaucoup de visibilité. C'est encore plus vrai depuis que certaines régions ont été fusionnées. Pour ce qui est des élections départementales, elles se font canton par canton, il est donc difficile pour les petits partis de présenter des candidats dans la plupart d'entre eux, alors que les gros partis sont présents quasiment partout. Les petits partis peuvent se présenter aux municipales. S'ils peuvent espérer gagner quelques municipalités dans des petites communes (qui représentent donc une faible visibilité), il leur est très difficile de peser face aux gros partis dans des communes plus grosses.

Pour les européennes, il s'agit d'un scrutin proportionnel à un seul tour, il est donc beaucoup plus facile d'avoir des élus pour les partis qui font habituellement entre 5 et 10 % aux autres élections, et ce sans avoir un budget de campagne aussi conséquent qu'aux législatives ou à la présidentielle. De plus, le seuil de remboursement des frais de campagne par l'État est fixé à 3 % des suffrages exprimés, alors qu'il est de 5 % pour la présidentielle et les législatives.

Les élections européennes présentent donc un risque financier moindre pour les petits partis. Ceux qui font habituellement entre 3 et 5 % ont donc peu de choses à craindre s'ils font un score dans cette fourchette, alors que cela leur coûterait beaucoup d'argent suite à une élection s'ils faisaient moins de 5 %. C'est par exemple ce qui est arrivé au parti Debout la France (DLF) lors de l'élection présidentielle 2017 : Nicolas Dupont-Aignan a fait un score de 4,7 % et n'a donc pas pu bénéficier du remboursement des frais de campagne. Pour d'autres partis comme EELV, qui font des scores plus importants aux européennes qu'aux élections nationales, c'est aussi une échéance électorale qui leur permet d'espérer un remboursement.

Pour les petits partis, ces élections européennes sont donc l'occasion d'avoir de la visibilité sans faire peser trop de risques sur leurs finances, et ce moins d'un an avant les élections municipales de mars 2020.


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Je remarque également que les petits partis ne sont pas en capacité de distribuer des bulletins de vote.
Il faudra donc imprimer soi-même son bulletin.

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