La beauté, une notion subjective sociétale!

in #fr6 years ago

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Il est facile de dire que la notion d’esthétique est très représentée (voire sur-représentée) dans notre société. Car tout semble être une notion de beauté ou de non-beauté, que ce soit dans les arts, les jeux, la mode, le physique, les objets, les mots, les activités… Bien entendu la notion de beauté a une part subjective comme le soulève M.MAUSS : " il est impossible d'obtenir une définition non subjective du beau».
D’ailleurs Yves MICHAUD dans* Critères esthétiques et jugement de goût*, tente de positionner ce que peut être l’esthétisme à travers le langage sur l’art. Car le beau est très subjectif et fait office d’un jugement de valeurs, ce qui a pour conséquence que n’importe quoi pour n’importe qui peut être « beau ». Pour étayer mes propos, il suffit de se rendre dans une exposition d’art contemporain pour y découvrir autant de surprises allant de la meilleure à la moins bonne. Combien d’entre nous ne se sont jamais demandés où était « l’art » dans ce qu’on pouvait y voir, tandis que notre interlocuteur lui avait été touché par l’oeuvre ? D’ailleurs F. FLAHAULT dira : « en face d’oeuvre nouvelle et déroutante, (les partisans de l’art contemporain) disent que l’artiste va plus loin, tandis que les autres diront qu’il va trop loin, que ce n’est même plus de l’art, c’est devenu n’importe quoi ».

Cependant on ne peut guère faire fi de l’influence de la société et de la culture sur ce que l’on perçoit comme esthétiquement beau ou non. On s’en aperçoit aisément en ce qui concerne le corps de la femme, exemple plus que parlant car tant mis en avant. En effet, selon l’époque et le pays la beauté du corps de la femme n’est pas le même. Par exemple, à l’époque du moyen-âge les femmes pour être reconnues comme « belles » aux yeux de la société, devaient avoir la peau blanche et des formes voluptueuses. Ces caractéristiques étaient ancrées avec la culture de l’époque car seules les personnes aisées n’avaient pas besoin de travailler dans les champs et donc prenaient peu le soleil; de plus la femme était avant tout mise en avant pour sa capacité à enfanter et donc dans l’imaginaire collectif plus une femme était « en chair » et plus elle avait de chance de donner la vie (rappelons que la mortalité infantile n’était pas rare à cette époque). Si on fait le parallélisme avec notre époque, les critères de beauté féminins ont énormément changé, mettant davantage en avant la minceur et une peau hâlée.
Là encore, l’idée qui se dégage est une femme qui fait « attention à sa silhouette », qui fait du sport, sait se nourrir avec parcimonie et est en bonne santé. En effet, à contrario, une personne en surpoids est souvent condamnée au jugement sévère qu’il s’agit d’une personne fainéante et sans volonté (de nombreuses expériences en psychologie dans les entretiens d’embauches ont été faites sur ce sujet justement).

Cependant on constate que cette fixation sur la beauté du corps n’est pas propre à notre civilisation. Michèle COQUET, dans son ouvrage Le corps et ses doubles (en collaboration avec Michael Houseman), relate ses observations auprès des civilisations en Afrique de l’Ouest, dans les régions mandé et voltaïque: « le corps est à la fois le support et l’expression d’une relation privilégiée entre les vivants et les morts ».

L’anthropologie est alors un fabuleux outil pour comprendre ces phénomènes de beauté, car c’est en s’intéressant au contexte social de la production de l’objet de beauté que l’on comprend mieux la société dont elle est issue. De plus, l’esthétisme comme nous l’avons vu précédemment, est un phénomène social qui évolue avec le temps et les moeurs de ladite société. Rappelons alors ce qu’est un phénomène social. Selon E.DURKHEIM les faits sociaux se caractérisent par « des manières d'agir, de penser et de sentir extérieures à l'indivi­du, et qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s'impo­sent à lui ». Ainsi un phénomène social semble être un objet avant tout. Et tout objet peut être un objet de science et donc d’études, notamment pour un anthropologue.

C’est au XVIIIème siècle que nait avec les arts, la recherche du beau, que ce soit dans la nature ou dans les oeuvres humaines. Ainsi, comme le dit M.MAUSS: «* tous les phénomènes esthétiques sont à quelque degré des phénomènes sociaux* ». En effet la beauté répond à des critères sociaux qui vont influencer - pour paraphraser DURKHEIM- nos manières d’agir et de penser. Mais ce qui semble étrange c’est que bien qu’on ait tous le besoin, conscient ou inconscient, de tout étiqueter sur l’échelle imaginaire de la beauté; les hommes donnent moins d’attention aujourd’hui qu’à l’époque à l’esthétisme. Certes, « *les phénomènes esthétiques forment une des plus grandes parties de l’activité humaine sociale *», mais cette activité varie elle-même avec le temps et la culture. En effet, MAUSS explique que nos sociétés contemporaines sont en régression sur les civilisations qui nous ont précédées en ce qui concerne l’importance du phénomène esthétique dans nos vies. On relate dans les études ethnographiques qu’une partie de notre histoire est faite de l’histoire de l’art et de la beauté de celle-ci; comme si rien n’était plus important.

En effet, nos ancêtres ont mis beaucoup d’énergie et de temps pour nous transmettre leur vision de la beauté; faisons-nous vraiment la même chose aujourd’hui, à l’ère de la communication? Donnons-nous vraiment autant d’importance aujourd’hui à l’esthétisme ? Que ce soit dans les mots employés, les vers dans nos phrases, les couleurs utilisées etc... Il semble qu’on soit loin de la recherche de la « beauté » telle qu’elle peut être définie par MAUSS : « *l'esthétique comporte toujours une notion de plaisir sensoriel. Il n'y a pas de beau sans plaisir sensoriel *». Ainsi si on analyse la société dans ce qu’elle offre en sensations, pouvons-nous nous dire vraiment comblés sensoriellement ?

On peut prendre comme exemple nos rues, c’est-à-dire l’environnement direct dans lequel on vit: les routes, les voitures, les publicités… Depuis quelques temps, un nouveau mouvement (« AntiPub ») se crée contre la publicité dans les lieux publics. En effet un petit collectif lutte contre les affiches publicitaires et souhaiterait que ce soit remplacé par des arts de rue; une initiative qui irait dans le sens de l’esthétisme mais malheureusement pas du consumérisme actuel, vivement alimenté par notre économie libérale. Alors on peut s’interroger sur ce que penserait - comme le dit M.MAUSS- «*la masse des gens de goût *» de l’esthétisme actuel…

J'ouvre donc par ce billet, une réflexion sur Laplace que devrait avoir et être la beauté, j'espère via ces quelques lignes proposer à mes lecteurs la possibilité de remettre en question nos idées reçues ! :)


SOURCES

Marcel MAUSS, Manuel d’ethnographie, 1967, Paris, Payot.

HEINICH, Nathalie et SHAPIRO, Roberta (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art. Paris, EHESS, coll. « Cas de figure », 2012.

Émile DURKHEIM, Les Règles de la Méthode Sociologique, lère éd. : 1894), extrait tiré du chapitre premier.

FLAHAULT, François, 1997, « L’artiste-créateur et le culte des restes », Communications.


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