Et si on changeait de vie ?

in #fr7 years ago

Je commence. Oui je commence. Mais par où commencer ?

On dit que le plus indispensable à une histoire c’est un bon début et une belle fin. La fin, je ne la connais pas. Le début, le voici.
Le point de départ c’est ma TR6. Une vieille moto Triumph de 1964. Je l’ai achetée au premier regard, trouvée dans un salon vintage au détour d’un couloir. Je n’avais même pas mon permis au moment de l’achat mais j’ai su que je faisais le bon choix. Je ne sais pas comment l’expliquer. Elle est venue à moi, c’est elle qui m’a choisie.

Cette monture m’a fait rencontrer un groupe de filles extraordinaires avec qui j’ai parcouru le monde sur des motos. Un groupe de parisiennes nommé l’Equipée. L’Himalaya, l’Amazonie, les Pyrénées… Quelques kilomètres sont passés sous nos roues.
Avant ça, j’enfilais fièrement mon tailleur au sortir d’une école de commerce. J’ai porté le drapeau d’entreprises qui n’étaient pas faites pour moi. Je n’étais pas triste, mais pas heureuse non plus. Ce qui m’a libérée, c’est la route.
En Octobre 2016, je suis engagée pour une pub tournée à Cape Town, en Afrique Du Sud. Me voilà partie à l’autre bout du monde pour être modèle à moto pour une marque de protèges slips.
Si on me l’avait dit je ne l’aurais pas cru…

N’ayant pas grand chose d'important à cette période, je demande à la production de me réserver un billet retour 2 mois plus tard. Une fois le tournage terminé et mon argent en poche, j’achète une vieille Honda pour partir faire le tour du pays. Je ne savais pas que ce voyage changerai ma vie.

Seule au guidon de mon trail, je roule. Des kilometres d’asphalte, de graviers, de sable et de terre. Les lignes blanches et les paysages défilent, je suis concentrée, je ne peux pas penser à autre chose qu’au moment présent. Le vent dans mon casque devient petit à petit la plus haute forme de méditation pour moi. Je suis libre.

Un instant d’hésitation et ma roue avant se coince dans une ornière de sable. Je manque de voler par dessus ma monture et je me rappelle à quel point l’humain n’est rien face à la nature. La peur de chuter au beau milieu de nulle part offre sa part de pression. C’est une sensation positive. Je dois être à l’écoute. Je me sens faire partie d’un univers que je me dois de respecter. Je suis connectée.

Le Cap, le Karoo, la Wild Coast, le Lesotho… Et à chaque fois, de nouveaux visages. Le paradoxe de la solitude est celui de rendre les rencontres exceptionnelles.

Un matin je rencontre Talia que j’accompagne en ville à l’arrière de ma moto. Elle habite à 6km de son emploi et n’a pas de voiture. Généralement elle vient à pieds me dit-elle, matin et soir. Elle travaille dans une usine de textile. Tout est fait main, solide, authentique.
Le lendemain, Talia est devant mon bed and breakfast, une chemise dans les mains. Elle me l’offre. Elle l’a confectionnée elle même, cette chemise bleue. Je ne le sais pas encore mais je porterai ce vêtement tout mon voyage. Elle m’embrasse de toutes ces forces et me remercie de l’avoir emmenée au travail la veille. L’après-midi, elle me présente toutes les femmes de sa famille. Celles-ci me donnent le surnom de «Mama Moto».

Parlant assez mal anglais, je communique comme je peux. Ce qui est beau quand on ne peut pas parler avec un étranger, c’est qu’il nous voit tel qu’on apparaît à lui. Les préjugés et les étiquettes n’existent pas.
Ces femmes resteront à jamais gravées dans ma mémoire.
Un mois plus tard, je rentre à Paris. Je vois ma famille, mes amis. Je bois des verres et je raconte mes histoires. Je sors, je me distrais.
Je suis heureuse mais quelque chose me manque. Une direction, une route, un but en somme
Cape Town m’appelle.

En portant ma chemise bleue, je repense à Talia et à ces femmes qui fabriquaient de si beaux vêtements. Jai beaucoup d’admiration pour ces techniques car c’est quelque chose que jai toujours voulu faire. Quelle plus belle récompense que d’être auto-suffisant dans une société comme celle d’aujourd’hui où les rôles sont inversés ? Porter mes propres vêtements ? Pourquoi pas.
Après quelques mois à travailler sur une identité propre, un univers à moi, je me lance. Je rends mon 25m2 parisien, je vends mes meubles et j’achète mon billet d’avion. En l’honneur de mes rencontres sud-africaines, j’appellerai ma marque Mama Moto. Ça ne va pas être facile mais après tout, qui ne tente rien n’a rien.

Cape Town, me voilà.

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