Toni Poncet, une grande voix au service d’un grand art

in #fr6 years ago

« Tu vas voir petite, ce soir on va leur en mettre plein la vue ! »

Celui qui parlait ainsi n’était autre que le célèbre ténor Toni Poncet, un des plus grands ténor de sa génération. Du haut de mes 23 ans j’interprétais avec lui « Paillasse » de Leoncavallo à l’opéra de Liège en Belgique, en présence du Roi Baudouin, de la Reine Fabiola, du champion cycliste Eddy Merckx, et de bien d’autres personnalités.

Et c’est une salle debout qui nous acclama à la fin de la représentation. Ce fut un grand moment pour une jeune artiste qui débutait.

Petit par la taille mais grand par le talent, Toni aimait m’avoir comme partenaire car en talons plats j’étais à sa hauteur. Ainsi il exigeait que je sois en scène sans talons, contrairement çà certaines chanteuses imposées, qui le dominaient (par leur taille).

Un metteur en scène lui avait dit : « Monsieur Poncet, levez-vous ! »

Il rétorqua : « Mais Maître, je suis debout ! »

Quelques années auparavant, il avait été repéré pour sa voix, alors qu’il chantait en gardant les moutons dans les Pyrénées (il conserva d’ailleurs un très fort accent de Bagnères-de-Bigorre). Il avait été orienté vers l’art lyrique à la faveur de l’amitié qu’il avait entamé avec le concierge de l’opéra de Paris, lui permettant de venir s’entrainer et découvrir la musique.

Depuis, il deviendra le plus grand ténor de sa génération. Si sa voix était superbe, son sens de la musique était très approximatif. Ce qui imposait au chef d’orchestre l’obligation de s’adapter à son interprétation.

J’ai souvent chanté avec lui, qui en plus de son talent, cultivait les qualités de coeur, et j’en garde un souvenir ému. Même si je l’insupportais car lorsqu’il m’amenait en tournées dans sa voiture (une Citroën DS), je vomissais tout le long de la route. « Ah ! Macarel ! Elle m’emmerde cette petite ! Heureusement qu’elle a du talent ! ».

Cette expression d’origine occitane, « Macarel », Toni l’utilisait très fréquemment.

Je ne pourrais parler de Toni Poncet sans évoquer notre représentation de « La Boème » de Puccini, où je jouais le rôle de Mimi, qui en fin de représentation décède. Une grande émotion règne sur le plateau. Toni verse sa larme et se rend compte qu’il n’a pas de mouchoir sur lui. Il essaye alors d’improviser, regarde autour de lui et voit sur le décor une fenêtre avec un rideau. Ni une, ni deux, Toni arrache le rideau et s’en sert pour s’essuyer les larmes sur son visage !

Il se précipite ensuite sur le lit pour donner un dernier baiser à sa Mimi adorée. Il a fait ça avec tellement de fougue, que les roulettes du lit n’ont pas résisté.

Nous voici donc Toni et moi même, couchés sur le lit, qui se met à glisser en direction de la fosse d’orchestre. Le chef d’orchestre était lui aussi au bord des larmes, mais de rire.

Heureusement le lit s’arrêta juste à temps, sinon j’atterrissais sur le violon solo !

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Légende photo :
de Gauche à droite : Jean Louis ELIE / Maité DECOMBE /Tony PONCET / Lucie DELFOSSE ( pianiste). Photo prise à l'issue d'un Concert à Bagneres de Bigorre en 1971 )