Mon père, cet homme d'exception : Le Général Nguyen Huy Anh, 3ème volet : Ma Grand-Mère Bien Aimée

in #fr6 years ago (edited)

pp.jpg

Mon père, ce héros. Le Général NGUYEN HUY ANH a été un exemple de noblesse, de bravoure, d'intégrité morale pour l'armée de l'air Sud Vietnamienne et, emporté à l'âge de 39 ans, demeure aujourd'hui une légende dans le cœur des anciens combattants de cette cruelle guerre. Voici son histoire... et afin de la relater, je vais emprunter les voix de ses proches.

¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

Pour ce volet, j'emprunte la voix d’un élève pilote de mon père.

nhatrang.jpg

Nha Trang 1955.

La chaleur de ce début de saison pluvieuse est, normalement dans mon sud natal, accaparante. Mais ici, aéré par le vent marin, Nha Trang jouit d'un climat tempéré, idéal pour l’entrainement de jeunes pilotes comme moi. De plus les montagnes entourant la baie offre un volume topographique très éducatif. Ainsi, la base aérienne de Nha Trang est le centre d’entrainement le plus prisé de notre armée.

nhatraVA.jpg

300px-Nhatrangab-jun68.jpg

Nous sommes dix élèves pilotes, engagés dans l’armée de l’air Vietnamienne Sudiste… Je viens de fêter mes 18 ans. Nous attendons, un peu anxieux et en rang bien aligné, notre Instructeur Pilote, le Lieutenant Nguyen Huy Anh.

Le Lieutenant est un jeune officier, à peine plus âgé que moi mais nous avons tous entendu dire qu’il était l’un des rares à avoir été sélectionnés pour suivre la formation de pilotage en France, puis dans quelques mois, il sera le tout premier pilote Vietnamien à être admis pour parfaire sa formation au Texas, commencée à Avord en France et Maroc.

texas13.jpg

Toutes ces contrées lointaines me font rêver… Elles font parti non pas de la terre, mais d’une autre planète tant elles me semblent inaccessibles. Que notre instructeur revienne d'Europe et d'Afrique pour nous instruire est pour moi domaine du fantasme… et ce fantasme est en train de se transformer en réalité. Le Lieutenant est réputé pour jouir d’un talent exceptionnel en pilotage puisqu'il est sorti major de sa section de formation.

Son talent ne se limite pas au pilotage : C'est un pratiquant de Kung Fu renommé dans le Sud.

Un tel homme est déjà, pour moi, une référence sans même l’avoir rencontré… Cependant, une appréhension pèse en mon cœur : J’ai tant peur d’être déçu en connaissant l’homme. Ce sentiment rend encore plus pénible l’attente, outre l’immobilité et l’impatience qui me caractérise.

Un « garde à vous » résonne enfin et l’arrivée de l’instructeur tant attendu se fit aussitôt.

« Repos, détendez-vous », annonça notre Instructeur d’une voix douce et grave, un sourire discret aux lèvres.

C’est un homme de petite taille, svelte, à la démarche très déliée, souple. Son regard perçant semble voir à travers nous comme s’il lisait notre âme, mais cependant, avec bienveillance. Il finit par sourire franchement et se présente :

« Je suis le Lieutenant Anh et à partir de maintenant, je suis votre Alpha pour les mois à venir. Si vous êtes attentifs, persévérants et apprenez avec patience, sincérité, alors, je donnerai le meilleur de moi-même. Et si je donne le meilleur de moi-même, je n’en attends pas moins de vous. Dans ce cas, vous sortirez de cette formation d’excellents pilotes et votre contribution sera précieuse pour notre Nation. »

Un sentiment de fierté gonfla ma poitrine et en l’espace de quelques minutes, je fus convaincu que je pourrai suivre cet homme sur tous les fronts. En mon for intérieur, je me suis promis de donner ce que j’avais de meilleur et pourquoi pas, peut-être même au-delà.

Le lendemain, premier jour d’entraînement, nous étions tous les dix alignés devant le bâtiment de formation pour attendre nos instructions. « Alpha », c’est désormais son surnom, arriva à notre hauteur et avant même que nous nous mettions au garde à vous, il lâcha :

« Repos », puis,

« Avant de commencer votre formation, sachez que tant que vous serez sous ma responsabilité, je vous considérerai comme ma propre famille. Aussi, puisque vous êtes ma famille, il m’est important de savoir qui vous êtes… »

Et il nous invita, tour à tour, à nous présenter. Il voulait connaitre notre terre natale, notre parcours, nos passions… Je ne suis pas dans l’armée depuis longtemps mais c’est la première fois que je vois un Officier se comporter d'une manière si chaleureuse.

Au fil des semaines d’entrainement, « Alpha » est devenu notre grand frère, notre référent, notre modèle, notre confident, notre conseiller… Et pour moi, fils unique ayant peu connu mon père, il devint mon idole. D’autant plus que ma passion première est la pratique des Arts Martiaux.

C’était avec un sentiment de fierté que je fis parti aussi de sa vie, à l’instar de sa famille, comme mes neuf camarades. Il a su ainsi instaurer une telle relation que notre groupe fut soudé à vie…. Bien des années plus tard alors que nous étions envoyés dans tous les coins du Viet Nam, nous restions en contact comme des frères de sang.

C’est ainsi que « Alpha » se livrait à nous comme nous nous livrions à lui. Il nous a confié par exemple que sa fiancée ainsi que ses parents allait venir lui rendre visite à Nha Trang (que nous avons tous eu le plaisir de rencontrer une fois) et qu’il est né à Benh Tre, dans le Delta du Mekong, dans une famille aisée qui a pu payer ses premières études dans de bonnes écoles, se terminant à Petrus Ky, Ecole d’Elite de Sai Gon.

me.jpg
la fiancée d'Alpha

ongbanoi.jpg
les parents d'Alpha

Cependant, je jouissais d'une relation un peu plus étroite avec "Alpha" par le lien des Arts Martiaux. Je pratiquais le Judo. Nous nous entraînâmes donc au judo lorsque le temps nous le permettait, transformant la pelouse derrière les hangars en Dojo de plein air, car le Lieutenant était aussi Judoka, en plus de sa pratique de Kung Fu Vietnamien...

Notre entrainement de pilotage se fit essentiellement sur le Morane Saulnier 500, appelé aussi le Criquet.

medium (1).jpg

Mais les pilotes l'appelaient tout simplement "Grand-Mère" : Très lent (200km/h maximum en vol et 100km/h de croisière), si cet avion était excellent pour l'observation car très maniable, il n'offrait aucune opportunité qui vaille l'exécration d'adrénaline et ne permettait aucune vitesse grisante...

Exactement comme une Grand-Mère : Excellente pour observer mais lente pour toute autre activité (Sans manquer de respect à toutes les Grandes Mères du monde).

225px-Grandma_The_Wind_Waker_HD.png

Pour nous, très jeunes pilotes plein d'ardeur au sang bouillonnant, c'était une frustration que de voler avec "Grand-Mère". Moi, je rêvais de T6, de T28 ou autres oiseaux de guerre, puissants, rapides et agressifs.

Un jour que je traînais un peu la patte pour monter dans mon Morane dont je ne tirais aucune fierté, "Alpha" s'approcha de moi.

"Vous-êtes vous occupé de "Grand-Mère" hier soir après votre vol ?" m'a t-il demandé.

normal_ms500_gao_avec_equipage_vietnamien.jpg

"Oui, bien-sûr, mon Lieutenant." Répondis-je sans hésiter.

"Bien. Parce que ce que nous allons faire aujourd'hui demande un état impeccable de l'appareil. Êtes-vous sûr d'avoir tout vérifié et entretenu? Une « Grand-Mère » mal entretenue peut vous lâcher en plein vol. Depuis quand la révision des 25 heures a-t-elle été faite?"

storch5.jpg

Du coup, j'étais beaucoup moins sûr de moi... Je sentis comme un piège se refermer. J'ai dû rechercher sur la fiche d'entretien pour trouver la date demandée.

"Vous devez le savoir par cœur, sans avoir à chercher. Votre avion et vous, vous êtes tous deux des partenaires, un binôme. Comprenez que si vous ne le respectez pas, cet avion ne vous respectera pas non plus. Si vous ne l'estimez pas, il ne vous estimera pas non plus... Et lorsque vous aurez vraiment besoin de lui, il ne vous aidera pas. Il doit être une partie de vous même."

"Oui, Mon Lieutenant... Mais... Ce n'est pas un être vivant, Mon Lieutenant."
Il se mit alors à me tutoyer, comme lors de nos entrainements judo.

"Lorsque tu pénètres un Dojo, un salut est-il nécessaire ?"

"Oui, Mon Lieutenant."

"Pourquoi saluer un Dojo, ce n'est pourtant pas un être vivant ?"

"Par respect du lieu, Mon Lieutenant."

"Alors un lieu dans lequel tu t'entraînes mérite le respect et non un avion sur lequel dépend ta vie ?"

Je réfléchis un instant... Et voyant toute la justesse de son raisonnement, j'acquiesçai.

"Préparez-vous, pilote, nous partons en mission. Ce sera votre première. Venez au rapport lorsque vous aurez fini." Me lança alors le Lieutenant puis il tourna les talons.

Mon sang ne fit qu'un tour. Ma première mission militaire ! Je fis la "check list" de ma "Grand-Mère" avec minutie, je la briquais comme un chaudron en cuivre auquel on veut redonner brillance. Je pris mon temps pour huiler, visser, boulonner, bichonner mon Morane. Au bout d'une heure, il brillait comme un avion de parade. Mes camarades sifflaient en voyant ma belle « Grand-Mère » :

"Hé, tu vas te marier ?" Plaisantaient-ils.

"Non, je pars en mission, les gars !" Leur répondis-je sans renier une grosse fierté réchauffant mes entrailles.
Je laissais mes camarades et leurs yeux arrondis pour me rendre au quartier des Officiers.

skf8954.jpg

"Alpha" était penché sur la carte d'Etat Major.

"Mon avion est prêt, Mon Lieutenant." Lui annonçais-je en saluant.

"Bien. Voici la teneur de notre mission : Nous allons récupérer un rapport, rédigé par l'un de nos agents sur les cachettes Viet Minh dans la zone de Bach Ma. Ce rapport est caché dans une des villas abandonnée des français. Nous devons atterrir en pleine jungle montagneuse, dans une cuvette, ici."

3858_bachma_1504063687_VnEx.jpg

Il pointa l'endroit sur la carte, puis continua :

"Nous allons refaire le plein à Da Nang avant d'arriver à Bach Ma, puis, en rentrant de Bach Ma, nous nous arrêterons à Da Nang une nuit avant de rentrer ici."

Carte-Vietnam.jpeg
le trajet Nha trang/Da Nang est représenté par le trait rouge

Après un moment de silence, il reprit :

"Des questions ?"

"Oui Mon Lieutenant : Les conditions météorologiques sont-elles favorables pour un atterrissage dans un tel terrain ?"

"Nous n'avons pas le choix. Le rapport va être déposé aujourd'hui à 15h. Nous devons le récupérer avant que quelqu'un ne l'intercepte, ces genres de chose ne doivent pas traîner. Donc, quelque soit les conditions météorologiques, nous devons accomplir la mission, sauf évidemment forte tempête."

Devant mon air déconfit, il rajouta, les yeux pétillants :

"Bonne nouvelle, puisque c'est votre première mission, je vous accompagne."

morane.jpg

09h15 : Mon Morane prend son envol comme une feuille soufflée au vent. Cet avion est si léger qu'il devient vulnérable à l'air et au feu, le moindre changement de température a un impact sur lui. Rotation à 80km/h, volets sortis à 15°. Je force un peu le régime et à 2000m d'altitude, je prends la vitesse de croisière. "Alpha" me testa :

"L'arrivée à Da Nang est prévue dans combien de temps ?"

"Dans 4 heures et 22 minutes, si notre vitesse de croisière se maintient à 100km/h, Mon Lieutenant. Il nous faudra alors refaire le plein, car ce sera la limite de réserve."

"Alpha" garda le silence que je souhaite satisfait car je ne peux voir son expression, étant assis derrière moi, en tandem.

Le trajet vers Da Nang se fit sans incidence, et c'est avec émerveillement que j'admirai le paysage se déroulant sous les jupons de « Grand-Mère », étonnement net avec un champ de vision très dégagé. Cet avion est décidément le meilleur avion d'observation de l'armée. Le temps est plutôt dégagé et j'en suis le premier heureux.

medium.jpg

Atterrissage sur Da Nang sans vent. Sur le tarmac, "Alpha" me dit de m'adresser au mécanicien pour monter une mitrailleuse à sabord.

Photo_6_morane_500_photo-origine-Benichou.jpg

"Nous entrons dans une zone sensible. On ne sait jamais..." Expliqua t-il.

Cet attirail allait alourdir « Grand-Mère » tout en rendant son équilibre plus précaire et je l'accueillis comme un poids à traîner. Mais les ordres sont les ordres.
Un autre problème se posa : A Da Nang, je n'ai pas pu demander le plein ce jour là pour mon Morane car suite à des problèmes techniques, nous étions rationnés pour le carburant, au moins jusqu'à demain midi. Mon Morane reçu donc 1/3 de son réservoir. Puisque Bach Ma n'était qu'à 60 kms de Da Nang, cela nous suffirait.

Da Nang, 16h :
Affublée de sa mitrailleuse, « Grand-Mère » est prête pour un nouvel envol. Nous longeons la côte dans un ciel plutôt dégagé mais les hauteurs semblaient s’embrumer.

La mer de Chine brillait de petits éclats argentés, accueillant les pieds des montagnes couleur émeraude. Nous prîmes de l'altitude pour franchir la chaîne montagneuse, cap sur notre point d'atterrissage. Mais lorsque les crêtes furent franchies, dans la cuvette tranquille, nous accueillit une mer de nuages...

Bach-ma-park-hue-top-cloude.jpg

Aucun vent pour la chasser, par contre, une chaleur étouffante fit monter les bancs nébuleux jusqu'à notre altitude. Bientôt, « Grand-Mère » se trouva au dessus d'une brume si épaisse que la visibilité au sol était nulle. A perte de vue, un couvercle opaque couvrait la cuvette montagneuse.

"Mon Lieutenant, je crains que nous ne devions faire demi tour, la visibilité ne nous permet pas de poser l'appareil" lançais-je dans le micro.

"Votre autonomie de vol est de combien ?" me demanda "Alpha", derrière moi.

Je jette un oeil sur ma jauge de carburant et elle semble bloquée sur la moitié du réservoir. Je la tapote avec mon index nerveux et elle se mit à remuer, pour se pointer sur "réservoir vide".

"La jauge de carburant est bloquée, Mon Lieutenant !" J'en conclue. Puis, un peu anxieux, je propose : "Puis-je changer de cap pour rentrer à la base, Mon Lieutenant ?"

"Pourquoi, Pilote ?"

Cette question me déconcerta. Je répondis, agité : "Mais, parce que nous ne pourrons atterrir que si on trouve une percée et pour cela, il faut survoler toute la zone... Mais la jauge de carburant est coincée et..."

"Et vous n'avez pas calculé combien d'heures d'autonomie pouvons nous tenir par rapport à notre vitesse, la consommation, la réserve de « Grand-Mère » depuis notre départ de Da Nang ?"

La question d'Alpha résonna dans mon esprit comme un couperet. Mais oui, ne nous a pas t-il répété de ne pas se fier aux jauges et de faire toujours les calculs mentaux pour connaitre notre autonomie de vol ? Je trouvais ce conseil excessif mais aujourd'hui, j'en comprends toute l'importance. Je bafouillais quelques plates excuses dans mon micro, honteux d'avoir commis une faute aussi triviale. Après un silence qui me semblait durer une ère, "Alpha" lâcha :

"Survolez la zone. Nous avons encore 2h15 d'autonomie de vol, d'après mes calculs."

Au bout d'une heure de vol en cercle et d'attente au dessus de cette brume compacte, je m'attends à tout moment l'ordre de retour à la base... quand :

"Là, à 11h, une percée ! Allez-y, c'est notre seule chance!" m'ordonna "Alpha".

Je la vis aussi. C'est en faisant un grand virage sur la gauche que je vis la percée s'agrandir et en dessous, le vert sylvestre. Elle fut assez grande pour que je devine à travers de fines bandes de brouillard un terrain suffisamment dégagé pour poser « Grand-Mère »... mais à peine plus grand qu'un terrain de football ! Mes mains se firent moites, mon cœur se mit à battre la chamade et ma respiration s'accéléra.

"Mon Lieutenant... Je... Je ne sais pas si je vais y arriver..." m'entendis-je murmurer dans le micro.

"Concentrez-vous, pilote. Vous avez déjà fait ça en entrainement. "Grand-Mère" peut se poser sur une distance de 70m, vous le savez. Ici, vous avez toute la place nécessaire." me répondit "Alpha".

Je piquais vers la percée, des grosses gouttes de sueurs perlant sur mon front. Aucun vent, je vais poser "Grand-Mère" face à l'Est. J'effectue mon dernier virage assez serré et me trouve sur la finale que j'ai choisie, désespérément courte.

"Grand-Mère" est presque en piqué vers le sol, la vitesse s'augmente dangereusement... Mes mains tremblent... je redresse doucement le nez pour perdre un peu de vitesse mais regagne de l'altitude.

"Refais encore un tour" Me dis-je "Tu es trop haut..."

Dans mon casque, silence complet. Je ne doute pas que "Alpha" surveille de près mes manœuvres.

Je refis un tour pour perdre davantage d'altitude et à nouveau piqua le nez vers le sol, arrivé sur la finale.

Cette fois-ci, je fus à bonne altitude mais à cette vitesse et cette inclinaison de nez, nous allons nous écraser, «Grand-Mère » se posant à plat sur ses trois roues et non redressée... Je remets encore les gaz pour refaire un autre tour quand j'entendis le micro cracher la voix d'Alpha :

"Reprenez un peu d'altitude et enclenchez une glissade sur axe, aile droite."

Une glissade sur axe? Mais je ne l'ai jamais fait ! Il veut nous tuer ! N'écoutant pas ma peur qui vrille le ventre, j’exécutai ses ordres. Arrivé sur la finale, j'appuis sur le palonnier gauche et je mets le manche à droite. J'entendis dans le micro :

"Encore, appuyez encore sur le palier, vous n'êtes pas correctement compensé."

J'appuis encore plus, "Grand-Mère" envoie ses jupons bien haut sur la gauche et penche dangereusement à droite.

"On va partir en vrille !" me disais-je, tremblant... Mais dans mon casque, la voix d'Alpha se tut. Puis :

"Encore... Attendez... Attendez... Maintenant, redressez, vous êtes dans le plan de descente, tournez la manivelle des volets !"

Je redresse tout, doucement, suivant les instructions d'Alpha à la lettre.

Devant moi, je vis, atterré, que l'altitude était parfaite en finale avec une vitesse élevée certes, mais gérable pour un atterrissage un peu "costaud". Je me convaincs que "Grand-Mère" a un train d'atterrissage robuste et long, très long... Et en apnée, je laisse les trois roues venir embrasser la terre en corrigeant mon assiette.

Sur l'axe d'atterrissage, à moins de 250 mètres, se trouvaient en rang serré des arbres imposants. J'ai déjà atterri « Grand-Mère » à 80m en entrainement sur un terrain de 300m, je peux le refaire...
Les pneus cognèrent violemment la terre, l'appareil rebondit comme un ressort, une fois, deux fois, ricochet, dérapa puis se résigna à rouler, secoué comme un shaker de cocktail. Les freins gémirent et arrêtèrent l'avion à quelques mètres du premier arbre géant.

Je respirais à nouveau... Affalé sur mon siège. Nous sommes vivants. Je me suis surpris à aimer « Grand-Mère » d'un amour sans limite. Oui, elle était capable de me faire cracher l'adrénaline !
amour-grand-mere.jpg

La suite de la mission s'est déroulée sans incident et nous n'avions heureusement rencontré aucune offensive. La mitrailleuse n'a pas servi, à mon grand soulagement.
Ce fut avec le précieux rapport à bord et toute ma joie que nous retournâmes à la base de Da Nang.

unnamed.jpg

Jusqu'à ce jour, je bénis encore la présence du Lieutenant Anh, "Alpha", lors de cette mission, ma toute première. Il resta gravé en ma mémoire, en mon cœur, comme un Grand Frère que je n’aurais jamais supposé avoir dans ma vie. Durant toute ma carrière militaire, je cherchais par tous les moyens d’être dans son régiment car être sous ses ordres, c’est être sous une bonne étoile.

macaronVN.gif
macaron de l'armée de l'air du Viet Nam, Nha Trang

Merci de m'avoir suivie jusqu'ici, dans ce ciel de l'Indochine... Prochain épisode à suivre !

skf749E.jpg
plage de Nha trang, de nos jours, votre tiloupsa, photo de Wahya

1er Volet : https://steemit.com/fr/@tiloupsa/mon-pere-ce-heros-general-nguyen-huy-anh-volet-1-la-gifle

2ème Volet : https://steemit.com/fr/@tiloupsa/mon-pere-cet-homme-d-exception-le-general-nguyen-huy-anh-2eme-volet-l-ange-d-indochine

mascotte.jpg

Images sources :

http://essignylegrandaeromodel.eklablog.com/construction-du-fiesler-storch-c75678
http://www.wings-aviation.ch/
http://avions-de-la-guerre-d-algerie.over-blog.com/article-en-reserve-41640183.html
http://wpalette.com/en/pictures/57189
http://www.paquelier.com

Sort:  

Sacré travail de recherche et de rédaction. Bravo, très intéressant.

des recherches oui... j'ai retrouvé quelque survivants qui étaient sous le commandement de papa, au Viet Nam et USA. Leur histoire vaut un roman aussi ! du coup, je suis toute ouïe et j'ai oreilles qui bourdonnent du temps passé. Ces personnes âgées ont tellement tellement de choses à dire ! c'est passionnant. MERCI Thierry d'avoir lu mon post !

très beau récit tiloupsa ! les hommes devaient etre heureux d'etre sous le commandement de ton pere , un homme chaleureux et juste.

oui, il était aimé par tous. A son enterrement, tout Sai Gon était en deuil... merci Tchigina de m'avoir lue !

J'aurais aimé faire un entrainement avec ce grand monsieur ;-)
Très beau récit.
Il sort quand ton livre ?!!
;-)

merci Yann... non, pas de livre, j'ai pô le temps. Je dois pondre un mémoire de 100 pages pour ma formation de prof de Tai Ji Quan, arghhhhh. Et pis les entrainements pour le 4ème duan et pis les élèves qui me réclament des stages, des cours en plus, et pis la fédé qui me convoque pour être jury et pis le ménage qui a besoin d'être fait et pis le boulot de la semaine qui.... et pis... et pis... pfff... chuis épuisée, tiens ;-) !

Bon courage ! :)

hi !hi! merci Gribouille !

Une vie extraordinaire et un récit plus que passionnant ! Upvoté à 100% !

Oh, merci Francosteem !! je suis très flattée de votre vote !

Bravo!!! C’est une histoire époustouflante!
Le pédiatre de mon fils porte le même nom!

Hi, hi, hi, Jasmine : tous les vietnamiens ou presque s'appellent Nguyen. C'est un nom très très très courant chez nous MAIS ce qui nous différencie, c'est le nom juste après Nguyen. C'est un peu comme "De" ou "Du" en France.... ce qui compte, c'est le nom qui suit. Mon père s'appelait Nguyen HUY, donc, c'est le "Huy" qui compte pour faire la différence. Merci de m'avoir lue !

Hahaha!!! Merci pour l’information ! Je me coucherai moins bête ce soir!!! 😂

Magnifique récit @tiloupsa. J'ai vraiment vécu la fierté et l'angoisse de ce jeune pilote. Tu as du passer du temps à écouter des récits de pilotes et à prendre des notes parce que ton histoire est riche d'explications et de termes d'aviations! Félicitations.
Les photos sont belles et la fiancée n'a pas l'air mal du tout. Est-ce la future épouse cette fois?

eh oui, la fiancée, Ofildutemps, c'est maman ! Si tu regardes bien son portrait dans le premier chapitre, tu la reconnaitras... Bon, elle était aussi belle que fougueuse, ma mère et elle faisait peur à tout le monde sauf papa... quoique.
Oui, je n'arrête pas d'aller à cueillette de souvenirs des uns et des autres mais ils ne sont plus nombreux sur terre. Ils ont entre 85 et 90 ans sinon plus... et leur mémoire chevrotte un peu. Surtout que la plupart ont connu des temps très durs d'emprisonnement militaire et ma foi, comme partout ailleurs, les geôliers n'ont pas été tendres. Ils sont tous aux USA maintenant. Le seul "frère" de cette grande famille qui est resté au Viet Nam s'occupe de la tombe de papa... et dans le musée aux US, il y a toute une partie dédiée à papa. Quant à maman, il y a un centre de méditation qui lui est dédiée... chacun son truc. j'ai eu des parents exceptionnels et il est parfois difficile d'être à la hauteur d'un telle hérédité. Merci Ofildutemps pour ton soutien constant ....

Mon passage préféré :
".......Il a su ainsi instaurer une telle relation que notre groupe fut soudé à vie…. Bien des années plus tard alors que nous étions envoyés dans tous les coins du Viet Nam, nous restions en contact comme des frères de sang."

Vivement la suite

ha!ha! tu as raison. Ces hommes là sont devenus assez vieux, et ceux qui sont encore vivants s'appellent entre eux "anh em", ce qui veut dire frères ainés et frères cadets. Ils sont une grande famille car à eux, se sont rajouté tous les hommes sous le commandement de papa. Ils sont plus de deux cent sinon plus... je te remercie, Ibrah, d'être passé me lire !

il a sauvé son pays et a laissé derrière lui une grande famille soudé. RESPECT.

eh non hélas, cher Ibrah, il est décédé en avril 72 et notre pays est tombé en avril 75... il n'a pas pu le sauver. Par contre, il est mort en allant sauver d'autres pilotes, mais je ne spoil pas... ce sera bien sûr le tout dernier volet.

Il reste quand meme un héros qui a lutter, donc à mon avis, il l'a sauvé en quelque sorte

Encore un magnifique récit.
Ton père était un meneur né! Il inspire le respect, l'assurance, la droiture.
Tous ses hommes devaient être fier de travailler avec lui.
Ton chien est tout mignon !!! Excellente idée Comment s'appelle t-il?

C'est une fifille et elle s'appelle Bamboo. J'ai l'intention de vous écrire son histoire un jour... ça vaut le coup ! Merci pour ton soutien, cher archéologue.

Bamboo lui va très bien !!!
J'ai hâte d'entendre ses aventures à cette petite boule de poils !!
Archéo toujours prêt à entendre de belles histoires !